Depuis son inauguration le 21 décembre 2003, le tramway a profondément transformé l’urbanisme de Bordeaux ainsi que les habitudes de ses habitants. Mais il a également eu un impact sur l’ambiance sonore de la ville. Les premiers passagers du tramway étaient si impatients de l’essayer qu’ils n’auraient manqué ce moment pour rien au monde. Ce jour-là, un petit groupe de Bastidiens, réunis par France Faure, propriétaire du bar légendaire « Le Panier Fleuri », et Alain Petit, adjoint de quartier d’Alain Juppé, attendaient avec impatience l’arrivée du tramway à la station Thiers-Benauge, en direction de Mériadeck, et préparaient déjà leur casse-croûte bien arrosé au Montagne Saint-Emilion, qui commencerait réellement une fois à bord du tramway, avec une petite rasade au franchissement du pont de pierre. Les Bastidiens étaient convaincus que le tramway rapprocherait les deux rives de la ville, qui étaient jusqu’alors éloignées, notamment du côté gauche.

Le lendemain, le 22 juillet 1994, neuf ans et demi après le dernier vote à la Communauté urbaine de Bordeaux qui avait enterré le projet de métro VAL porté par Jacques Chaban-Delmas et après de nombreux débats, la première ligne de tramway était inaugurée. Pendant ces années de préparation, les habitants se sont préparés à ce grand changement de la ville et de leur vie quotidienne, qui était censé améliorer les déplacements souvent perturbés par les embouteillages, y compris ceux des bus bloqués dans la circulation. Jacques Chaban-Delmas, préoccupé par la modernité autoproclamée du métro automatique VAL, refusait de s’intéresser au tramway qui était pourtant de plus en plus populaire dans les années 90, grâce notamment à Nantes et Strasbourg. Il répétait inlassablement : « C’est moi qui ai supprimé le tramway en 1958, ce n’est pas moi qui le remettrai ». Il avait alors fait promettre à son probable successeur, Alain Juppé, de relancer le projet de métro, mais ce dernier n’a pas tenu cette promesse. Une fois à la tête de la mairie et de la Communauté urbaine, Alain Juppé avait déjà en tête le plan urbain dans lequel le tramway était la pièce maîtresse. La preuve en est avec la ligne C qui part de la gare. Au lieu de faire emprunter cette ligne aux tramways par les cours, où les bus étaient souvent bondés, Alain Juppé a décidé de dévier la ligne vers les quais, ce qui a permis de réaménager ceux-ci avec l’argent de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), tout comme les grandes places telles que la place Pey-Berland, la place de la Comédie, la place Stalingrad ou encore la place de la Victoire, ainsi que les artères centrales telles que le cours de l’Intendance ou la rue Vital-Carles, où les voitures ont été éliminées. Il en a été de même pour les boulevards extérieurs, tels que le cours Gambetta à Talence, et plus tard l’avenue de la Libération au Bouscat.

Vingt ans plus tard, le succès est au rendez-vous tant du point de vue de l’urbanisme que de la fréquentation des trams, même si on a réduit leur taille sur cette ligne. En 2003, les Bordelais attendaient avec impatience « leur » tramway et étaient fiers de vivre dans un véritable laboratoire à ciel ouvert. La mise en place de l’alimentation par le sol (APS), un test mondial, a pourtant connu quelques problèmes durant la première année et a souvent poussé les passagers à descendre des rames pour continuer à pied. Ce n’est qu’après qu’Alain Rousset, élu président de la CUB en 2004 à la suite de la condamnation d’Alain Juppé, ait menacé Alstom de supprimer ce système d’alimentation par le sol pour revenir à la bonne vieille caténaire que les problèmes ont été résolus.

Le tramway a bien sûr changé l’image de la ville, mais aussi le son qu’elle émet. Ceux qui ont connu Bordeaux avant l’arrivée du tramway se souviennent de la différence de décibels entre l’époque des quais et des rues parcourues par les trams. Le tramway a un bruit caractéristique et reconnaissable, celui de son frottement sur les rails, de sa sonnette et même de son klaxon pour les personnes malentendantes ou réticentes. Cependant, cela n’a pas suffi dans les mois qui ont suivi sa mise en service, avec les imprudents qui, les oreilles branchées sur leurs écouteurs, se sont retrouvés soudain face à un convoi qui pèse plus de 50 tonnes à vide, ou les cyclistes penauds et douloureux après avoir coincé une roue dans les rails.

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