Un rassemblement en hommage à Thomas, tué le 19 novembre à Crépol, pour qui l’on demande « justice », contre l’insécurité et le « massacre » ou le « racisme anti-français », la « racaille » et « l’immigration »… Mais surtout pas d’extrême ou d’ultradroite ou d’un quelconque parti ou mouvement, dont personne ne se réclame. Voilà qui pourrait résumer la manifestation qui s’est tenue vendredi 8 décembre, place de la Bourse, autour de 19 heures.

Le « rassemblement statique » qui avait été interdit la veille par la préfecture, était de fait réautorisé le jour même, par un jugement en référé du tribunal administratif suspendant l’arrêté préfectoral. Comme la semaine précédente, où elle avait interdit un rassemblement similaire engagé par l’UNI (un syndicat étudiant de droite), la préfecture avait invoqué le risque de trouble à l’ordre public en lien avec ces groupuscules d’extrême droite, dont la Bastide bordelaise. Le tribunal a jugé que l’interdiction était disproportionnée en regard de l’atteinte à la liberté de manifestation, et que ni les risques, ni les liens des organisateurs avec les groupuscules d’extrême droite n’étaient suffisamment établis.

Mais ce vendredi soir, parmi la centaine de manifestants, jeunes ou très jeunes gens, en majorité des garçons, aucun slogan explicite ou signe d’appartenance à un quelconque mouvement. Aucun logo mais des tenues sportwear, noires ou plus élégantes. Un petit groupe portant capuches, masques médicaux et brassards blancs passe dans les rangs et transmet la consigne : « On ne parle pas aux journalistes. » Une jeune femme qui distribue des drapeaux tricolores assure qu’elle n’est « qu’une sympathisante. » De quoi ? Pas de réponse. Les visages sont fermés ou plus rieurs. Les plus bavards concèdent qu’ils sont là « pour Thomas. » Un journaliste connaisseur du milieu d’extrême droite croit reconnaître des militants, mais personne ne lâche rien. Alentours, le dispositif policier est très discret.

Puis les drapeaux français se déploient, on dresse une banderole : « La France est un coupe-gorge. » Un jeune homme prend un porte-voix. Dans son allocution, il demande justice, condamne le « massacre des Français », pointe la « racaille » issue de l’immigration, les « émeutes ethniques » et demande l’application des obligations de quitter le territoire, ainsi que la démission de Gérald Darmanin… Le discours se conclut par une Marseillaise et un slogan : « Français, tu es ici chez toi. »

Celui qui a pris le porte-voix et qui accepte de parler à certains journalistes est François Gauthier, « 27 ans, actif, habitant Bordeaux. » C’est lui qui a déclaré « avec deux amis, en notre nom » le rassemblement, lui qui a contesté l’arrêté et obtenu gain de cause – l’État a aussi été condamné à lui verser 1 500 euros. « Ma démarche est celle d’un simple citoyen qui s’insurge contre l’insécurité, » dit l’organisateur qui nie encore tout lien « avec toute organisation » a fortiori « d’extrême droite » et assure qu’il ne connaît personne dans l’assistance qu’il vient de haranguer. Puis le rassemblement se disperse. « Sans trouble, » pointe François Gauthier. La séance a duré moins d’une heure. Plus loin, un manifestant lance : « On va au local ? » On demande quel local. Pas de réponse.

Dans le même temps, une centaine de personnes se sont réunies place Saint-Michel à l’appel de l’Offensive antifasciste Bordeaux (OAB) et d’organisations comme le Poing levé, Révolution permanente, l’Unef, les Jeunesses communistes, l’Union étudiante Bordeaux ou Sexprimons-nous.
Dans l’assistance, une très grande majorité de jeunes gens – certains regrettent que « les organisations syndicales n’aient pas relayé l’appel ». Parmi eux, beaucoup d’étudiants marqués à la gauche de la gauche, échaudés par les récentes élections universitaires, qui ont vu « deux listes d’extrême droite, l’UNI et la Cocarde », remporter 900 voix à elles deux. La soirée était donc aussi l’occasion de compter ses troupes face au camp « d’en face ».

Pour un orateur de l’OAB, « il est important d’occuper la rue, si débordement il devait y avoir, face à une extrême droite qui exploite un fait divers tragique pour alimenter son grand fantasme de guerre civile ».

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