Régulièrement critiquée pour sa lenteur, la durée des procédures devant les conseils de prud’hommes est qualifiée d' »excessive » par un récent rapport de la Cour des comptes. Cette situation est illustrée par le cas de Charles Sicouly, un Girondin de 49 ans licencié en 2020 d’une entreprise de l’aéronautique à Eysines lors d’un plan social lié à la pandémie de Covid-19. Cadre et représentant du personnel dans son ancienne société, il conteste son licenciement devant les Prud’hommes de Bordeaux suite à l’annulation en 2022 de la validation de ce dernier par le tribunal administratif. Alors qu’il espérait une décision en septembre 2023, celle-ci a été repoussée de manière répétée sans explications, provoquant frustration et incertitude chez Charles Sicouly.
Le délibéré de l’affaire a été reporté à plusieurs reprises, passant du 27 octobre, au 8 décembre, puis au 19 janvier et enfin au 23 février. À chaque fois, Charles Sicouly se présente au palais de justice sans obtenir de jugement, sans savoir quand celui-ci sera enfin rendu. Cette situation n’est pas propre à son dossier, comme le confirme Olivier Forté, président du conseil des Prud’hommes de Bordeaux. Celui-ci reconnaît des retards allant jusqu’à six mois pour environ 10% des affaires traitées par la section « encadrement » des Prud’hommes.
Cette problématique s’explique en partie par l’arrivée de 84 nouveaux conseillers en 2023, obligeant les anciens à former les nouveaux arrivants et à assumer une charge de travail plus lourde. De plus, des départs importants au sein de la section encadrement ont mis à mal le fonctionnement habituel, entraînant des retards significatifs dans la rédaction des jugements. Le manque de moyens et de temps alloué pour rédiger les décisions contribue à prolonger les délais, mettant à rude épreuve tant les conseillers que les justiciables concernés.
La complexité croissante des affaires portées devant les Prud’hommes, incluant des demandes de reconnaissance de harcèlement et de discrimination, a également été soulignée par la Cour des comptes dans un récent rapport. Malgré les réformes opérées depuis 2008 visant à améliorer les pratiques de la justice prud’homale, la durée de traitement des dossiers demeure élevée, passant en moyenne de 9,9 mois en 2009 à 16,3 mois en 2021, alors que le nombre d’affaires a été réduit de moitié sur la même période.
Face à ces difficultés, Olivier Forté appelle à renforcer la formation des conseillers et à allouer plus de temps pour la rédaction des jugements. Il rappelle que les Prud’hommes ne disposent pas des mêmes moyens que les magistrats professionnels, ce qui rend la tâche complexe pour résorber les retards accumulés. Les heures de travail dévolues à la rédaction des jugements ne sont pas toujours rétribuées à leur juste valeur, ajoutant des contraintes supplémentaires à des conseillers déjà impliqués personnellement et professionnellement.
En dépit de ces défis structurels, le nouveau président du CPH de Bordeaux dénonce les retards de paiement des indemnités des conseillers, mettant en lumière les dysfonctionnements persistants au sein des conseils de prud’hommes en France.